Marie Wilson, commissaire, Commission vérité et réconciliation du Canada, 2009-2015.
SOI contribue à approfondir notre compréhension du lien qui existe entre les divers maux qui secouent la planète. L’environnement nordique des expéditions de SOI, d’une beauté époustouflante, est le lieu de résidence de plusieurs peuples inuits, qui se définissent par leur relation au monde naturel. Leur savoir ancestral autochtone leur permet de bien comprendre l’interdépendance des écosystèmes de leurs territoires en Arctique et de reconnaître les signes avant-coureurs de déséquilibres. Ils continuent, comme ils le font depuis des décennies, de sonner l’alarme quant aux dérèglements climatiques et de nous mettre tous au défi d’agir en humains responsables dans le respect de mère la Terre et de tout un chacun.
2017 a été une année exceptionnelle pour Students on Ice et son projet jumeau intitulé Canada C3. J’ai eu la chance de prendre part à l’aventure de l’expédition de C3. J’ai été attiré par le titre du projet… C3… d’une côte à l’autre et à l’autre. Ayant vécu la moitié de ma vie dans les Territoires du Nord-Ouest, je milite depuis longtemps pour l’inclusion de la côte de l’Arctique dans notre identité nationale, cette côte qui a été oubliée dans la devise nationale canadienne, d’un océan à l’autre. Et ce n’est pas la seule chose qui a été oubliée dans notre identité nationale. Nous avons commencé l’étape 4 de l’expédition à Charlottetown, le jour du 150e anniversaire de la fête du Canada. Nous avons été accueillis par des chefs autochtones locaux. On nous a ensuite montré une photo d’époque des «Pères de la Confédération», tous des hommes blancs. Devant cette incohérence, nous nous sommes alors posé la question: «Qui avons-nous oublié d’inclure sur cette photo? »
Aujourd’hui, alors que nous célébrons le Mois national de l’histoire autochtone, nous sommes confrontés à la même photo provocatrice de nous tous en tant que pays, où les voix des autochtones s’élèvent pour nous dire qu’ils se sentent encore comme les grands oubliés de ce portrait de famille et de toutes les belles choses qui ont constitué le Canada depuis 150 ans. Nous sommes à l’ère tant attendue de la réconciliation… et, malgré tout, il semble y avoir encore tant à faire. Pourquoi est-ce donc le cas?
Le plus grand honneur de ma vie aura été de servir comme l’une des trois commissaires de la Commission de vérité et réconciliation du Canada, de juillet 2009 à décembre 2015. Aujourd’hui, en 2020, la question qui me frappe, et qui frappe aussi tous ceux qui se préoccupent de la situation, est si le Canada a réellement l’intention d’agir en regard à ce qui a été dévoilé par le travail historique de la Commission.
En tant que commissaires de la CVR, nous avons traversé le Canada du nord au sud et d’est en ouest, pour recueillir les témoignages détaillés de 7000 personnes, qui ont volontairement accepté de dévoiler leur expérience d’enfance dans les écoles résidentielles, loin de leur famille, de leur communauté et de tout environnement familier, et de faire part des impacts de ces expériences dans leur vie à l’âge adulte. La Commission demeure le plus important projet d’histoire orale du Canada. Nos obligations pour la CVR ont été de documenter et préserver cette page d’histoire pour en informer le pays et pour mener à la réconciliation, un processus individuel et collectif pour tous les Canadiens. Nous avons volontairement accompli notre mandat en nous rendant le plus visible possible et en faisant du bruit, tout en éduquant et clamant nos conclusions à tous les paliers du gouvernement et tous les secteurs de la société.
C’était il y a cinq ans. À l’époque, nous avons insisté sur certains points de notre «appel à l’action» comme étant prioritaires, en particulier le point #53, visant à établir un Conseil national pour la réconciliation. Ce conseil aurait été une importante agence indépendante créée pour suivre notre progrès au pays en termes d’actions pour la réconciliation, afin de ne pas perdre l’élan du moment, et pour nous assurer de nous informer de l’état de notre cheminement, toujours trop lent, bien sûr.
Grâce à des rapports annuels nationaux, nous aurions pu savoir si nous sommes sur la bonne voie pour offrir aux enfants autochtones, qui grandissent dans leur famille et au sein de leur culture, un environnement sécuritaire loin de toute violence, des soins médicaux et une éducation de qualité, des opportunités d’emplois intéressants, et une relation respectueuse de la part de leurs concitoyens, de la police et du système de justice. Mais comment savoir si tout cela est bel et bien respecté si nous n’y portons pas attention, s’il n’y a aucune façon de suivre le progrès sur le terrain, si nous ne daignons même pas écouter les recommandations des 7000 survivants sur leurs besoins, si nous ne suivons même pas le chemin de la réconciliation et du changement positif qu’ils ont la gentillesse de tracer pour nous?
Aujourd’hui, ce Conseil national pour la réconciliation n’existe toujours pas. Nous sommes donc cinq ans en retard dans l’établissement de rapports de progrès annuels honnêtes. Selon moi, la Passerelle montre bien que ce qui était urgent il y a cinq, l’est encore plus aujourd’hui. Nous ne pouvons nous laisser distraire et stagner. Pour honorer le Mois de l’histoire autochtone de façon significative, avec respect et coeur, nous devons nous garder les yeux bien ouverts et nous engager à passer à l’action pour obtenir des changements positifs. Nous devons maintenir notre leadership afin que notre appel à l’action soit respecté et nous devons continuer de nous demander: «Où est-ce que je me situe dans ce processus individuel et collectif de réconciliation?».
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